De la collecte à l’exposition
Texte
L’origine du projet « RC Louvre » réside dans la volonté du musée de programmer un évènement qui puisse rapprocher les deux monuments de Lens et leur public respectif, le Stade Bollaert-Delelis et le musée du Louvre-Lens. L’organisation de l’U.E.F.A. Euro 2016 en France et particulièrement dans l’enceinte lensoise rénovée en a fourni l’occasion parfaite. Pour autant, cette volonté de croiser ces deux univers ne pouvait se traduire simplement par une exposition artistique ou historique sur le football ; ces thématiques auraient pu se multiplier dans les différents musées de villes hôtes de la compétition auxquels il ne s’agissait bien évidemment pas de faire concurrence.
Quel projet pouvait vraiment associer supporters de football et musée en ayant du sens pour chacune des deux parties ? C’est à peu près dans ces termes que s’est articulé le projet de collecte organisé en partenariat avec d’autres musées, et notamment le Musée National du Sport dont le rôle est évidemment central. En effet, au-delà de son intérêt scientifique, la collecte révélait aux publics non seulement une méthode d’enrichissement des collections nationales mais aussi et surtout l’étendue de celles-ci ; le supporter de football a bien sa place au musée comme « sujet » d’étude et de patrimonialisation. C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de cette collecte : le caractère profondément patrimonial de l’amour des supporters pour leur club, particulièrement dans le cas du RC Lens.
Lancée le 15 juin 2015, la collecte s’est ouverte par un premier temps fort de quatre semaines au cours desquelles toute personne se définissant elle-même comme supporter de football – sans l’être nécessairement du RC Lens d’ailleurs – était invitée à se rendre au Centre de ressources du musée pour présenter son objet fétiche ou tout simplement témoigner de son attachement à un club, ses joueurs et ses valeurs. C’est au cours de la collecte que s’est fait sentir le besoin de la poursuivre en interrogeant des personnalités (joueurs, entraîneurs, dirigeants) liées au RC Lens, précisément celles dont le souvenir était le plus ancré dans la mémoire des supporters, afin de donner un contrepoint intéressant aux premiers témoignages.
Au total, ce ne sont pas moins de 74 personnes qui ont été rencontrées, majoritairement originaires de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin, et au total plus de vingt-deux heures d’entretiens qui ont été enregistrées. Chaque entretien s’est déroulé en deux temps. Le supporter était d’abord invité à parler de son objet et à expliquer son choix. C’est donc avant tout par cet objet que s’est peu à peu dévoilé l’univers du passionné, et c’est là la première caractéristique de cette collecte ; effectuée dans un musée, elle s’inscrit dans la perspective d’une exposition d’objets qui doivent concrètement permettre aux visiteurs d’entrer dans la vie des supporters lensois. En ce sens, le participant est acteur de l’exposition ; à lui revient le choix de ce qui mérite ou non d’être partagé avec l’ensemble des visiteurs du Louvre-Lens. La démarche est en ce sens novatrice par rapport aux enquêtes de terrain traditionnelles.
La seconde partie de l’entretien était davantage consacrée au parcours du supporter à proprement parler. Étaient alors évoqués avec lui ses premiers souvenirs de football. La question de l’héritage et de la transmission en l’interrogeant par exemple sur le premier match auquel il a assisté, puis sur sa « pratique » actuelle : fréquentation du stade et participation aux déplacements. La rareté de l’appartenance du participant à un club de supporters s’est vite révélée être la seconde caractéristique de cette collecte, et par là, sa principale originalité par rapport à d’autres études portant davantage sur les groupes de supporters organisés. L’entretien se terminait enfin en ouvrant la discussion avec le passionné, qui pouvait ainsi évoquer ses joueurs préférés ou encore les matchs qui l’ont particulièrement marqué.
L’opération a permis d’approcher différentes générations. Si la plus jeune participante est âgée de 25 ans, la moyenne d’âge demeure élevée ce qui peut se comprendre par rapport aux attendus de la collecte : elle est de 48 ans pour les hommes et de 56 ans pour les femmes. Ces dernières représentent au total 14% des participants, et sont bien souvent de véritables personnalités au sein de la sphère du supportérisme lensois.
Les objets collectés frappent par leur variété. La plupart d’entre eux peuvent être rattachés à trois groupes principaux : vêtements et accessoires ; objets du quotidien et objets de décoration ; photographies et journaux. Les billets de matchs ne représentent que 8% de l’ensemble.
La totalité des objets apportés par les supporters ont été proposés en prêt au musée du Louvre-Lens ; une grande partie d’entre-eux est présentée dans l’exposition. À l’issue de celle-ci, environ un quart de ces objets, donnés par leur propriétaire, ainsi que la totalité des témoignages audio et vidéo rejoindront les collections du Musée National du Sport et rentreront ainsi dans les collections publiques françaises. L’ensemble des témoignages réunis par les différents musées participant à l’opération « Grande Collecte Euro 2016 » permettront ainsi de dresser, pour les publics et chercheurs de demain, une photographie à grande échelle du supportérisme à travers l’ensemble du territoire national en 2015-2016.