LA RESTAURATION DE TEXTILES COPTES
Le Louvre-Lens conserve dans ses réserves un ensemble de tissus coptes provenant des collections du musée du Louvre et sélectionnés par le département des Antiquités égyptiennes en vue de leur restauration. Plusieurs campagnes ont en effet été envisagées depuis l’ouverture du Louvre-Lens. La deuxième (2015) est marqué notamment par la restauration d‘un carré de tapisserie de 31 cm de côté, réalisé à partir de fils de lin et de laine colorés.
Comprendre
Constitution de la collection
Le département des Antiquités égyptiennes du Louvre conserve près de 13000 œuvres coptes issues essentiellement de la production des premières populations chrétiennes d’Egypte, entre la romanisation (au 1er siècle avant J.-C.) et l’arabisation du territoire (au 7e siècle après J.-C.) pour s’étendre jusqu’au 12e siècle.
Ces objets archéologiques proviennent principalement des fouilles françaises menées en Egypte aux 19e et 20e siècles, notamment les fouilles à Antinoé d’Albert Gayet (1895-1911) et les fouilles à Médamoud de Fernand Bisson de la Roque (1925-1930). Ces fouilles, conduites par la Société de fouilles archéologiques puis par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, ont ainsi permis l’exhumation de quantité d’objets, en grande partie déposés au musée du Louvre, en accord avec les autorités égyptiennes. La collection a été complétée par des dons et achats en ventes publiques ou auprès d'antiquaires égyptiens ; mais il ne s'agit là que d'une infime partie de la collection du musée.
Objets archéologiques
L’exploration des tombes et complexes funéraires a permis la découverte d’une variété d’objets, témoins de la vie quotidienne : sarcophages, céramiques, masques de momies, figurines en terre cuite, objets du quotidien en métal, bois ou cuir. Ils révèlent la richesse culturelle de l’Égypte chrétienne. Cette collection offre d’ailleurs à voir un ensemble exceptionnel, tant par la qualité de production que par l’état de conservation, de textiles provenant des tenues de défunts ou d’éléments décoratifs funéraires, utilisés autrefois comme textiles d’ameublement.
Iconographie et style
Ces quelques 4000 tissus coptes sont les témoins d’un art marqué par la diversité des influences à la fois gréco-romaines et égyptiennes ou orientalisantes. Cette diversité se manifeste dans le choix des motifs décoratifs (personnages et animaux, végétaux, décors géométriques) et dans leur agencement (compositions en réseau propre à l'art oriental) mais aussi dans les sujets illustrés, chrétiens (iconographie christique ou mariale) ou païens (mythologie gréco-romaine). Ce qui fait toute l’originalité de l’art copte, c’est la liberté prise dans la représentation figurative. Celle-ci s’éloigne des canons traditionnels et privilégie une approche moins conventionnelle fondée sur le non-respect des proportions au profit du mouvement ou au contraire d’une certaine forme d’hiératisme expressif.
Cette variété s’exprime également dans l’éventail des couleurs utilisées, à la fois vives et contrastées. Ce contraste est obtenu tant par la spécificité des techniques de tissage (tissage en haute lisse, sprang) que des tissus utilisés (lin écru ou blanchi comme support s’opposant aux fils de laine de diverses couleurs pour les motifs). Le décor peut parfois également être obtenu par broderie ou teinture directe jouant ainsi sur les effets de réserve.
Provenance et signification
Ce fragment datant des 5e-6e siècles environ après J.-C. provient des fouilles menées à Antinoé, site archéologique de Moyenne-Egypte, par Albert Gayet entre 1901 et 1907. Il fait partie d’une série de portraits en médaillon dont l’interprétation demeure incertaine : s'agit-il de portraits symboliques, allégoriques ou réalistes ?
Style
Typique des tissus coptes, l'œuvre joue sur les contrastes chromatiques pour représenter un portrait (?) de femme en médaillon entouré d’amours, eux-mêmes intégrés dans un décor aux formes tantôt géométriques ou schématiques évoquant l’environnement du Nil (motifs de poissons, oiseaux aquatiques). Le tissage à partir de fils de laine colorés sur fond de lin uni favorise la représentation d’un monde plein de nuances, peuplé de figures stylisées et d’éléments décoratifs foisonnants.
Etat de conservation
Certaines dégradations sont apparues au fil du temps ; elles sont le signe d’une usure quasiment inévitable des tissus utilisés au quotidien. L’aspect fragmentaire est en revanche le résultat de l’action de l’homme sur les tissus, à la suite de leur découverte à partir de la fin du 19e siècle. Ces tissus proviennent en effet de tuniques ou tentures d’ameublement qui ont alors été morcelées pour ne conserver que les parties décorées, destinées à être présentées comme de véritables petits tableaux au détriment de l'intégrité de l'œuvre.
Afin répondre à l’engouement général pour l'art copte, certains tissus étaient alors collés, à l’aide de colle (devenue acide au fil des années) ou de scotch sur des cartons, toiles ou papiers peu adaptés à une conservation pérenne ; ils ont fini par provoquer des dégradations et accrochages sur le tissu, des pertes de matière ou encore l’effilochement des bords. D’autres tissus, comme c’est le cas pour la Tapisserie au portrait, étaient au contraire stockés à plat sur un carton neutre glissé dans une pochette en polyester ; ce conditionnement nécessitait une manipulation à l'horizontal peu aisée.
Diagnostic et protocole de conservation
L’examen préalable du fragment présenté au Louvre-Lens, étape fondamentale avant toute opération, a mis en évidence la nécessité de consolider l’œuvre en remplaçant le support actuel, qui fragilise le tissu, par une toile neuve. Le but est aussi de faciliter la manipulation et d‘autoriser la présentation du tissu lors d’expositions.
Selon le protocole envisagé, toujours en étroite collaboration avec le conservateur, le tissu subit, dans un premier temps, un nettoyage puis une remise en forme des fils dans le sens de la chaine et de la trame (remise droit-fil) et une consolidation, avant d'être cousu sur une toile, elle-même fixée sur un support rigide. Ces différentes opérations se doivent de garantir la préservation maximale de l’objet tout en répondant aux grands principes actuels de la conservation-restauration : réversibilité, compatibilité, stabilité et lisibilité.
Différentes étapes :
- la micro-aspiration de la tapisserie afin d’éliminer les saletés ;
- le nettoyage par humidification ;
- l'étude des fragments, leur repositionnement et leur remise à plat ;
- la fabrication d'un support de présentation (teinture d’une toile de lin) ;
- le positionnement et la fixation.
Cartel
Antinoé (Egypte)
Tapisserie au portrait
Fragment en laine et lin
5e-6e siècles après J.-C.
Paris, musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes
Inv. E28112