LA RESTAURATION D'UN TABLEAU DE CHARLES LE BRUN
La restauration exceptionnelle d'un tableau de Charles Le Brun s'inscrit dans le cadre de l'exposition consacrée à l'artiste au Louvre-Lens du 18 mai au 29 août 2016. Cette restauration, menée par Quentin Arguillière, Christian Châtellier, Emmanuel Joyerot (restaurateurs du support) et Patrick Mandron (restaurateur de la couche picturale), permet de consolider la structure et de rendre plus lisible la surface de l'œuvre. Les restaurateurs sont en dialogue constant avec le conservateur, qui valide chaque étape de l'intervention.
Comprendre
Redécouverte à l'abbaye de La Trappe
Le tableau a été retrouvé récemment dans cette abbaye de l'Orne, où il avait été envoyé par le musée du Louvre en 1820. Il avait été acquis par Louis XIV d'Antoine Paillet, peintre et garde des tableaux du roi, en 1695. Il pourrait correspondre à l'une des deux versions documentées du Christ au jardin des Oliviers.
Dans la collection de la marquise du Plessis-Bellière
Une première version a été peinte par Charles Le Brun pour Suzanne de Bruc, marquise du Plessis-Bellière, vers 1660. On sait que cette amatrice d'art et amie de Nicolas Fouquet avait commandé d'autres tableaux au peintre. On pense aujourd'hui que cette première version correspond à celle que Mazarin se serait fait offrir par la marquise d'après le Mercure galant. L'œuvre serait également celle gravée par Gilles Rousselet en 1661, ce qui permet d'identifier cette "première version" avec le tableau de la galerie Didier Aaron & Cie, présenté dans l'exposition.
Pour "réparer" la perte de l'œuvre, Charles Le Brun aurait pu exécuter ou faire exécuter une seconde version du Christ au jardin des Oliviers, à son tour offerte en cadeau à la reine Anne d'Autriche. L'œuvre serait ensuite passée à la mort de la reine dans la collection de Colbert, puis dans celle de son fils, Colbert de Seignelay. C'est ce denier qui l'aurait vendue à Antoine Paillet entre 1685 et 1690.
Deux versions et une réplique
L'exposition présente un autre Christ au jardin des Oliviers (Paris, collection Maître Binoche). L'œuvre est aujourd'hui considérée comme une réplique de la "version Paillet" du tableau de la marquise du Plessis-Bellière, dont elle peut servir de référence pour la restauration du tableau.
Il s'agit d'une scène religieuse, tirée du Nouveau Testament.
"Puis étant sorti, il s'en alla, selon sa coutume, à la montage des Oliviers ; et ses disciples le suivirent. Lorsqu'il fut arrivé en ce lieu-là, il leur dit : Priez, afin que vous ne succombiez point à la tentation. Et s'étant éloigné d'eux environ d'un jet de pierre, il se mit à genoux, et fit sa prière, en disant : Mon Père ! si vous voulez, éloignez ce calice de moi ; néamoins que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre. Alors il lui apparut un ange du ciel, qui vint le fortifier. Et étant tombé en agonie, il redoublait ses prières. Et il lui vint une sueur comme de gouttes de sang, qui découlaient jusqu'à terre"
La Sainte Bible contenant l'Ancien et le Nouveau Testament
traduite sur la Vulgate par le Maistre de Saci.
Constat d'état
Cet examen approfondi de l'œuvre, préalable à toute intervention de restauration, permet de recenser toutes les zones de fragilité. Par la suite, chaque étape de la restauration est documentée. Le dossier de l'œuvre doit garder mémoire des interventions.
Principales étapes de la restauration
Le châssis rond est composé de six pièces de résineux chantournées ; il est renforcé par une croix constituée de deux traverses. La première étape consiste en une dépose de la toile de son support. Les agrafes sont ôtées afin de libérer les bordures de la toile. Le châssis, qui n'est pas celui d'origine, est toutefois conservé car il fait partie de l'histoire de l'œuvre. Son état de conservation permet son remploi.
Différentes étapes se succèdent ensuite :
- le refixage des zones les plus fragiles de la couche picturale ;
- le décrassage de la face ;
- l'allègement des vernis ;
- le retrait des repeints et des mastics ;
- le masticage permettant de combler les manques de couche picturale.
La réintégration picturale peut alors commencer. Elle concerne les zones usées. La plus importante, bien visible en blanc sur la réflectographie infrarouge, se situe sur le bord gauche de la toile. Trois des quatre visages d'anges sont encore visibles. Le quatrième semble en revanche perdu, mais une réintégration illusionniste peut être envisagée grâce à la conservation d'une réplique ancienne du tableau (Paris, collection Maître Binoche).
Le vernis est enfin appliqué sur la couche picturale. Les résines naturelles, posées directement sur la couche picturale, jouent un rôle essentiel dans la saturation des couleurs. Un film de résine de synthèse, appliqué par nébulisation, isole enfin ces résines naturelles potentiellement sujettes aux chancis et aux jaunissements au contact de l'oxygène et de l'humidité.
Restauration visible
Venez assister à la restauration et rencontrer les restaurateurs.
Cartel
Charles Le Brun
(Paris, 1619 - Paris, 1690)
Le Christ au jardin des Oliviers
Huile sur toile
vers 1660-1661 ?
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
Inv. 20898